vendredi 22 janvier 2010

Présentation

Affiche de l'exposition

À l’occasion de l’anniversaire de la création des CHU, la Bibliothèque Universitaire de Lyon 1 a souhaité revenir sur l’histoire de l’enseignement médical, et sa recherche d’une adéquation entre théorie et pratique. Une partie de l’exposition sera consacrée à l’illustration des livres d’anatomie comme exemple de cette histoire et d’un enseignement de plus en plus tourné vers la pratique.
Et, parce que nombre d’universités actuelles s’interrogent sur la place des médecines alternatives dans l’enseignement universitaire, il semblait intéressant de revenir sur l’histoire de leurs rencontres dans des contextes de découvertes scientifiques et de découvertes culturelles (avec l'orient par exemple), contextes propres aux ambitions des universités médicales.


L'enseignement médical

Œuvres complètes d'Hippocrate
J.B. Baillière, 1865.
Lyon 1, BU Santé

Le serment d’Hippocrate, ici dans son édition par Littré, le rappelle : l’enseignement et la transmission de l’art médical sont à compter parmi les devoirs de celui qui a été initié. Les articles qui suivent explorent l’histoire de cet enseignement médical en France des premières universités à la réouverture de celles-ci à la fin du XIXème siècle.

De la lectio...

L’illustration ci-dessous est très révélatrice de la forme des cours de médecine avant la Renaissance. L’enseignement médical s’articulait entre la lectio : lecture des textes fondateurs de la médecine grecque et arabe et la disputio : discussion autour de questions médicales. Ce sont là les principes de l'enseignement scolastique qu'on retrouvait dans les premières universités de Bologne, Montpellier ou à la Sorbonne par exemple.

Les collections artistiques de la Faculté de Médecine de Paris
Paris : Masson, 1911.
Lyon 1, BU Santé

La seconde illustration est une reproduction d’un cours de chirurgie de Guy de Chauliac, qui enseignait à l’université de Montpellier. On retrouve là plusieurs éléments typiques de l’enseignement médical de l’époque : le professeur lisant le livre et le commentant, les étudiants passifs face à la leçon orale et enfin, comme symbole de l’importance des textes anciens dans la médecine de l’époque, la présence, derrière le pupitre, de Galien, Hippocrate et d’Avicenne. Cette redécouverte des textes grecs grâce à la transmission par les médecins arabes a permis aux universités de se créer avec des textes de références, et à la médecine de s’interroger sur elle-même et de se théoriser.

Centenaire de la Société de Pharmacie de Lyon 1806-1906
Emmanuel Vitte, 1906.
Lyon 1, BU santé

Intermède : étudier dans les livres d'anatomie 1/3

Les livres d'anatomie non illustrés

Observations et histoires chirurgiques tirées des œuvres latines des plus renommés praticiens de ce temps
Pierre Choüet, 1670.
Lyon 1, BU Santé

Les premiers manuels de médecine étaient très descriptifs. Beaucoup comme celui-ci-dessus étaient des recueils de témoignages, ceux-ci ayant valeur d’enseignement. On apprenait ainsi la médecine à travers l’exemple des grands médecins. Ce livre du XVIIème siècle témoigne des interventi
ons des médecins latins auprès de malades. Ce type de manuel a servi d’aide-mémoire pour de nombreuses générations d’étudiants de médecine.

Manuel anatomique et pathologique ; ou, Abrégé de l'anatomie et des usages que l'on en peut tirer pour la connoissance & la guérison des maladies...
Antoine Laurens, 1672.
Lyon 1, BU Santé

Avant le développement de l’anatomie et la Renaissance qui a vu le travail conjoint de médecins et d’artistes autour des livres illustrés, les manuels d’anatomie étaient, à l’image des premières leçons, sans aucune illustration. Après la Renaissance, ce type de livre continua d’être imprimé car il était bien plus transportable que les grands manuels d’anatomie illustrés pour les enseignants très mobiles qui parcouraient l’Europe d’écoles en universités.

C’est donc naturellement qu’un grand nombre de livres médicaux sans illustrations sont imprimés en petits formats, in octavo et in-16°. Enfin, pour l’étudiant en médecine peu fortuné, ces livres sans illustration avaient le mérite de donner les informations essentielles à un moindre coût.

...à l'anatomie.

La Renaissance a permis le développement de l’anatomie. L’Eglise autorisant les dissections (deux par an et par université) et fermant les yeux sur les autres dissections, les universités ont pu proposer à leurs étudiants d’assister à des dissections. Un pas vers la pratique était franchi. L’apprenti médecin n’apprenait pas la pratique médicale mais tout au moins il apprenait à découvrir le corps autrement que dans le discours.

Imperatoris medici, de humani corpis fabrica libri septem
Lyon 1, BU Santé

L’illustration ci-dessus est le frontispice du superbe livre d’anatomie de Vésale. On y voit très clairement la leçon d’anatomie donnée et la présence du démonstrateur. En effet, la leçon nécessitait un enseignant qui faisait la leçon pendant que le démonstrateur montrait sur le corps les éléments présentés oralement par l’enseignant. Enfin, le préparateur s’occupait de la dissection proprement dite. On remarque dans la salle un auditeur qui tient un livre et semble comparer la description donnée avec la réalité.

Georges de La Faye - Dionis
Cours d'opérations de chrirurgie démontrées au Jardin Royal...
Paris : Veuve d'Houri, 1777.
Lyon 1, BU Santé

L’illustration précédente est un cours non pas d’anatomie mais de chirurgie. Néanmoins le modèle de cours est très approchant. Dans l’amphithéâtre, l’enseignant explique aux étudiants les principes de son art en s’appuyant sur la présence concrète du corps. La constante dans ces leçons est bien entendu la passivité au sens pratique de l’étudiant. Il semble en effet dans ces deux images que le silence ne soit pas la règle d’or de l’enseignement. Il est possible que malgré la nouveauté de l’approche anatomique, les bases de la lectio et de la disputio n’aient pas complètement disparues.

Auguste Corlieu

Centenaire de la Faculté de Médecine de Paris (1794 - 1894)

Paris : Imprimerie nationale, 1896.

BU santé, Lyon 1


Nous nous autorisons un petit saut dans le temps avec cette image qui vient d’un bas relief de l’université de médecine de Paris, lors de sa construction au XIXème siècle. En effet, de même que les formes de l’enseignement, une autre constante est restée : la place des textes antiques, y compris dans la défense même de l’anatomie et de son importance au sein de l’enseignement médical, que l’on voit ici dans cette représentation d’Esculape enseignant l’anatomie.


Intermède : étudier l'anatomie dans les livres 2/3

L'anatomie illustrée, colorée, conservée

Imperatoris medici, de humani corpis fabrica libri septem
Lyon 1, BU Santé

C’est avec
Vésale que le livre illustré d’anatomie
gagne ses lettres de noblesse. La valeur scientifique de ces représentations de corps écorchés, de squelettes y est certes pour beaucoup. La possibilité pour les étudiants de travailler ensuite à partir d’images aura jouée un rôle considérable dans l’histoire de l’enseignement médical et dans la pratique. Mais si, aujourd’hui encore, l’art et la littérature sont marqués par ce livre, c’est aussi par la richesse émotionnelle que contiennent ces gravures. On ne peut se sentir absolument étranger face à cet écorché, à ce mort si vivant les pieds bien sur terre. Les livres d’anatomie actuels ont gommé cette réflexion de la Renaissance sur la mort et la douleur et s’ils dédramatisent la mort, ils véhiculent aussi une image du corps comme objet bien éloigné du souci médical.

Gautier d'Agoty
Exposition anatomique de la structure du corps humain
Association universitaire d'anatomie et d'implantologie, 1999.
Lyon 1, BU Santé


Le travail de D’Agoty a constitué un autre grand pas dans l’histoire de l’illustration anatomique. C’est l’introduction de la couleur, dans des représentations à taille réelle, qui marque tout particulièrement le lecteur-spectateur de son « Exposition anatomique du corps humain ». Là encore, la couleur fut un élément pédagogique important ne serait-ce que par son rôle de facilitateur de la mémoire. Il semble difficile aujourd’hui d’imaginer un livre d’anatomie non coloré, mais rares sont les représentations actuelles qui nous rappellent avec une telle force notre condition de mortel. Sur le plan technique, ce livre fut tiré en impression dite de repérage, le dessin était produit sur trois planches différentes, enduites ensuite d’une des couleurs primaires. La superposition de ces planches au moment de l’impression permettait d’obtenir les couleurs complémentaires.

Crosse de l'aorte
Anatomie réalisée selon la technique d'Honoré Fragonard
Lyon 1, Musée d'anatomie

Myologie et vascularisation de la tête
Anatomie réalisée selon la technique d'Honoré Fragonard
Lyon 1, Musée d'anatomie


Le créateur de cette technique de conservation des cadavres humains à des fins pédagogiques est Honoré Fragonard.
La technique consistait à injecter dans les vaisseaux de la cire après les avoir préalablement drainés, à disséquer la pièce, à la fixer avec le l'alcool, à la sécher, puis à la vernir. Durant sa période d'exercice, il réalise plusieurs milliers de pièces qu'il ambitionne avec le soutien de Vicq D'Azyr de voir réunies au sein d'un cabinet national d'anatomie. Celui-ci ne verra jamais le jour, la plupart des spécimens sont victimes des ravages du temps et celles détenues par le Muséum national d'Histoire Naturelle de Paris sont jetées à la fin du XIXème siècle. De ce fantastique théâtre anatomique où science et recherche artistique se mêlent ne subsistent plus qu'une vingtaine d'œuvres dont le cavalier de l'apocalypse et l'homme à la mandibule conservés à Alfort. Finalement, à des fins pédagogiques se sont plutôt les cires anatomiques qui seront très utilisées.

Des critiques de l'enseignement...

Rapidement, les critiques ont été virulentes sur la valeur de l’enseignement médical, principalement du fait de l’absence de pratique et de l’apprentissage par la seule lecture.

Manuel anatomique, et pathologique ; ou, Abrégé de toute l'anatomie et des usages que l'on peut tirer pour la connoissance, & pour la guérison des maladies...
Antoine Laurens, 1672.
Lyon 1, BU Santé

Ce texte, qui est un avertissement aux chirurgiens, reprend une distinction importante : médecins/chirurgiens. Les premiers pratiquant l’art noble de la connaissance médicale, accompagnée de la maitrise des langues donnant accès aux textes anciens. Les seconds pratiquant la chirurgie, longtemps délaissée par les médecins du clergé (ecclesia abhorret a sanguine) et les universités. Mais le développement de l’anatomie et de grands médecins comme Chauliac ou Paré vont donner ses lettres de noblesse à la chirurgie. Celle-ci devient alors le modèle d’enseignement puisque le chirurgien apprend à pratiquer et non pas à discourir sur la médecine.

Ravaton Hugues
Pratique moderne de la chirurgie,
1776.
Lyon 1, BU Santé

Le texte ci-dessus s’intéresse à un autre point de vue sur la transmission, qui est celui du livre médical. En effet, il semblerait que ce sont ces mêmes médecins ayant beaucoup appris mais peu pratiqué qui rédigent ensuite des manuels de médecine emplis d’erreurs, entrainant un défaut non plus seulement de pratique chez la nouvelle génération d’étudiants, mais aussi de connaissance.

Intermède : étudier l'anatomie dans les livres 3/3

De l'anatomie interactive

De même que l’université se recréait au XIXème siècle en clamant l’union de la théorie et de la pratique, l’anatomie s’intéressait à la possibilité pour le lecteur non plus d’être spectateur mais d’être acteur de sa lecture et d'entrer au cœur du corps humain. Ainsi, on a vu se développer des livres interactifs, permettant à l’étudiant de recréer la dissection en déplaçant des figures coloriées, découpées et superposées. Nous vous en présentons ici deux exemples tirés du même livre, dans une animation flash. (L'activation de l'animation peut prendre quelques secondes, merci de patienter)


Achile-Joseph Comte
Organisation et physiologie de l'homme expliquées à l'aide de figures coloriées, découpées et superposées
1841.
Lyon 1, BU Santé

Appareil à vues stéréoscopiques
Lyon 1, Musée d'Anatomie

De la même façon, le développement technique de la photographie a permis aux anatomistes de présenter leur travail sous la forme de vues stéréoscopiques, permettant à l’étudiant une vue en relief de l’objet photographié. L’ima
ge ci-dessous, vous montre un coffret de vues stéréoscopiques suivant pas à pas la coupe d’un cerveau. Il est certain que ce type d’outil permettait aux étudiants un accès à des expériences qu’ils ne pouvaient conduire ou auxquelles ils ne pouvaient participer. Il relève donc du même souci de pratique qui a fait évoluer l’enseignement médical à travers l’histoire.

Vues stéréoscopiques de centres nerveux accompagnées d'un album contenant 48 figures schématiques avec légendes explicatives
Felix Alcan, 1892.
Lyon 1, BU Santé

... à une critique de l'université médicale.


Le XVIIéme littéraire regorge de représentations satiriques du médecin tantôt véreux, tantôt incapable. Cette critique fait écho à des inquiétudes sociales et politiques vis-à-vis du manque de pratique des apprentis médecins. Ainsi cet édit du roi de France qui replace le cœur du problème au sein des universités et appelle à un enseignement médical de qualité. Un bon enseignement devrait permettre à la fois d’éviter les erreurs médicales, mais aussi de pouvoir distinguer le bon médecin du charlatan et de restreindre le développement des remèdes trompeurs et des faux médecins.

Edit du Roy portant sur réglement pour les facultez de Médecine et pour l'exercice d'icelle
Rouen : Maurry, 1707.
Lyon 1, Musée d'Histoire de la Médecine

Parmi les critiques adressées aux universitaires un grand nombre venaient des collèges de médecine. Ces collèges regroupaient des médecins pratiquant la médecine en général en lien avec les hôpitaux. Le texte ci-dessous est révélateur des critiques qui étaient adressées aux premières universités médicales, dont faisait partie la Faculté de Bordeaux (créée en 1441). On y retrouve l’idée que l’enseignement est insuffisant, tant en nombre d’enseignants, que par les disciplines, mais la critique vise même ici, la qualité des enseignants qui ne sont pas praticiens.

Histoire de la Faculté de médecine de Bordeaux et de l'enseignement médical dans cette ville, 1441-1888
O. Doin, 1888.
Lyon 1, BU Santé

Le texte ci-dessus bien qu’issu du même livre reflète un autre type de revendication liée à la critique des universités. Il met en avant la complexité de l’organisation institutionnelle, entre la faculté qui délivre les cours et le collège de médecine, qui délivre le droit d’exercer et donc le diplôme de médecin. Celui-ci revendique le droit d’enseigner en plus de délivrer les autorisations. Les raisons sont la qualité médiocre de l’enseignement à la Faculté et la difficulté pour le collège de délivrer des autorisations à des étudiants qu’ils estiment mal formés.

L'hôpital : solution à l'enseignement de la médecine

Bien qu’il n’y ait pas eu d’université à Lyon avant 1877, la médecine était enseignée dans les écoles relevant des collèges de médecine et de chirurgie. En 1775, le collège de chirurgie obtient le droit de dispenser des cours et d’organiser les modalités d’obtention d’un diplôme de chirurgie non universitaire (après actes probatoires, examen public et soutenance de thèse), comme le montre le certificat ci-dessous.

Jean Rousset
Les thèses médicales soutenues à Lyon au XVIIéme et XVIIIéme siècle, et le Collége Royal de Chirurgie de 1774 à 1792
Lyon : Imprimeries Reunies, 1950.
Lyon 1, BU Santé

Face à ce certificat dans le même livre, on peut lire un texte assez révélateur de la qualité des cours très théoriques et assez élémentaires donnés dans les collèges. Il semble évident que collège ou université, ce qui permettait réellement l’acquisition de l’art médical, relevait plus de la pratique hospitalière que de l’enseignement organisé. C’est pourquoi on ne s’étonnera pas de l’importance prise par les hôpitaux dans la formation des praticiens ni de la délivrance de diplômes par ces établissements.

Jean Lacassagne
Histoire de l'internat des hôpitaux de Lyon 1520-1900
M. Audin, 1930.
Lyon 1, BU Santé

Les leçons de la clinique

Les collections artistiques de la Faculté de médecine de Paris
Masson, 1911.
Lyon 1, BU Santé

L’émergence de la clinique au XVIIIème siècle a participé, comme l’anatomie en son temps, à l’évolution de la réflexion sur l’enseignement médical. Dans l’image ci-dessus, on voit comment la leçon de médecine s’est déplacée du corps autopsié et disséqué vers le malade vivant. La clinique, associée à la biologie expérimentale, a introduit l’idée que le médecin jouait un rôle face à la maladie, et n’en était plus seulement le contemplateur quasi passif qui assistait la nature dans sa volonté de guérison ou de mort, idées hippocratiques qui ont longtemps conditionnées les comportements de soins.

Vers de nouvelles universités médicales


Auguste Corlieu
Centenaire de la Faculté de Médecine
Paris : Imprimerie nationale, 1896.
Lyon 1, BU Santé.

Le 15 septembre 1793, toutes les académies et sociétés littéraires et savantes sont supprimées par un décret de la Convention. Ce sera l’occasion de repenser l’enseignement médical avant de remettre en place les institutions universitaires. De grands médecins tels
Cabanis, Corvisart ou Chaptal ont participé à l’élaboration de nouveaux principes guidant la formation du futur médecin. Dans le texte ci-dessus l’organisation de cette nouvelle université est décrite dans un enthousiasme contagieux. On y retrouve les idées principales : refus du tout théorique, la pratique hospitalière rendue obligatoire.

Le texte ci-dessous concerne justement cette question de la pratique hospitalière. Il s’agit d’une lettre, datée de 1860, du Conseil d’Administration des Hôpitaux et Hospices de Lyon qui appelle à la création d’une Faculté de médecine à Lyon. Ses arguments sont d’une part la désaffection des Écoles de médecine qui génère un manque d’internes pour les hôpitaux et d’autre part les leçons trop théoriques et le manque de pratique hospitalière des futurs médecins. Il en va, dit le Conseil, « de l’intérêt de la population pauvre autant que de celui de la science ». Il semble donc entendu que la création d’une Faculté se ferait en relation avec les Hôpitaux de Lyon. Lyon avait depuis 1841 une École Préparatoire de Médecine, mais c’est en 1896 qu’elle obtiendra son Université.

Aperçu historique de l'enseignement médical à Lyon depuis la restauration des lettres par Charlemagne
A. Delahaye, 1864.
Lyon 1, BU Santé

Néanmoins l’aspect pratique de l’enseignement restait quelque chose à toujours travailler. Ainsi en 1880 une circulaire ministérielle demandait à ce que les dissections soient payantes. Le Pr Lortet, doyen de la faculté de Lyon, les avaient autorisées gratuites depuis 1878. Il s'opposa à une telle modification de l’accès des étudiants à la pratique médicale pour la raison principale du besoin de pratiquer des étudiants.Les questions financières, liées à l’organisation des universités, l’accueil des internes à l’hôpital, constituaient donc un frein pour le développement de cette union entre la théorie et la pratique, et il est vrai que c’est un risque dont il faut garder l’université médicale aujourd’hui encore.

Art et architecture des nouvelles universités médicales

Noé Legrand, Louis Landouzy
Les collections artis
tiques de la Faculté de médecine de Paris
Masson, 1911.
Lyon 1, BU Santé

Le bas-relief ci-dessus illustre cette volonté, des nouvelles universités médicales de la fin du XIXème, de réunir la théorie et la pratique. Ce credo est clamé aussi bien dans l’architecture que dans les œuvres d’art (bas-reliefs, tableaux, fresques…) que l’on peut admirer dans les universités du XIXème.

Charles Dantin
La nouvelle faculté de médecine et de pharmacie de Lyon
Publication du journal le Géni
e civil, 1931.
Lyon 1, BU Santé

La Faculté de Médecine
Photothèque de l'Université Lyon 1

Ces deux images montrent la faculté de
médecine et de pharmacie de Lyon lors de sa construction au début du XXème siècle. Elles sont assez révélatrices de la prise en compte par l’architecture des principes des nouvelles universités. On notera surtout à gauche de la première photographie la présence de l’hôpital Edouard Herriot, construit en vis-à-vis de l’université et dans un souci architectural d’harmonie, ce qui correspond à l’implication des hôpitaux dans la formation du jeune médecin. Sur la seconde photographie, on remarque devant la faculté la construction du jardin botanique des futurs pharmaciens.

Salle de TP
Photothèque de l'Université Lyon 1

De même, les nouvelle universités se voyaient bien pourvues en salle de TP et salles de dissections avec des tables pour petits groupes de travail, mais aussi en bibliothèques conséquentes, signes très clairs d’une prise en compte des besoins matériels que requiert un enseignement pratique et théorique.

La Bibliothèque
Photothèque de l'Université Lyon 1

Les médecines alternatives et l'enseignement

Méthode de médecine simplifié d'après les principes de Brown
Chez J.D. Class ; chez Amand Koeinig, 1798.

Lyon 1, BU Santé

Ce texte est assez révélateur d’une certaine crainte de la médecine de se voir mise à mal par des théories originales, mettant en péril des bases scientifiques peu solides. Il a ceci d’amusant qu’il mêle aussi bien «folie» philosophique qu’enthousiasme pour des thérapies étonnantes. Dans les vitrines qui suivent, nous allons, voir quelques unes de ces thérapies ou médecines alternatives dont le chemin a parfois coïncidé avec celui de l’enseignement médical universitaire.

"L'autre" pris comme critère scientifique


Peyrilhe Bernard Dujardin
Histoire de la chirurgie depuis son origine jusqu'à nos jours
Paris : Imprimerie Royale, 1780.
Lyon 1, BU Santé

La médecine chinoise est découverte en France par les textes de
Jésuites en mission en Orient. Il semble très clair que la médecine chinoise tout étonnante qu’elle paraissait aux voyageurs et aux médecins français, ne semble pas être remise en question en tant que médecine, même si celle-ci présente un autre rapport à la santé et à la maladie. Les deux images présentées ici illustrent une histoire de la chirurgie.

Pierre Sue
Mémoire sur l'état de la chirurgie à la Chine ; suivi d'une correspondance à ce sujet avec un missionnaire de Pékin
Société de Médecine, 1801.
Lyon 1, BU Santé

Ce texte ci-dessus relève des critères accordant à la médecine chinoise un degré de scientificité acceptable. Est principalement mis en avant, le fait que la médecine chinoise, comme la médecine hippocratique, soutient une pensée du corps harmonieux, de la circulation d’énergie…L’auteur considère ainsi que ce qui est bon dans cette médecine n’est au fond que la médecine hippocratique, malheureusement trop mal étudiée en occident. En un sens, l’enthousiasme des médecins à l’égard des médecines étrangères, tient souvent dans la possibilité qu’elles se donnent, non pas de pratiquer une autre médecine, mais de repenser la médecine occidentale.


Ce regard ethnocentré n’est pas indigne dès lors qu’il autorise au moins la rencontre avec l’autre sur le plan philosophique , sinon sur le plan thérapeutique. Il sera intéressant de voir ce que les enseignants en acupuncture à l’université pensent aujourd’hui de cette question. Pour cela, nous vous invitons à prendre connaissance de la conférence organisée par la BU Lyon 1 sur la place des médecines alternatives à l’université.

Le patient pris comme critère scientifique ?


Docteur Pierre Trenque
Challes-les-Eaux en Savoie
Imprimerie de Montsouris, 1948.
Lyon 1, BU Santé

Alors que le témoignage des médecins, mêmes de l’antiquité, valait pour vérité pratique et procédure intemporelle, le témoignage des patients a toujours fait figure de crédulité. Ainsi, les thérapies par la nature (eau, lumière...) ont toujours semblé plus miraculeuses que médicales. Il est vrai que le soin venant de la nature et non de la prescription du médecin, ce retour à une médecine hippocratique au détriment d’une médecine
galénique était difficile à admettre pour un grand nombre de médecins. Le témoignage des soignés n’y changeait rien, bien au contraire.

Et même si les médecins intéressés par ces thérapies regorgeaient d’inventivité dont on reconnaissait la valeur technique, la question de la valeur scientifique de la thérapie elle-même restait volontairement en suspens. Dans l’image ci-dessous on peut voir toute une installation technique de soins atmidiatriques (soins par la vapeur).

Toussain Rapou
Essai sur l'atmidiatrique; ou, Médecine par les vapeurs avec des gravures et la description et la description d'un nouvel appareil fumigatoire
Gabon, 1819.
Lyon 1, BU Santé


Si l’engouement des populations pour les bains et autres thérapies naturelles s’est fortement développé avec la bourgeoisie au début du XIXème siècle, la reconnaissance scientifique et universitaire a été un peu plus tardive. C’est le développement des sciences expérimentales qui aura su faire de l’eau une thérapie médicale acceptée.

En effet, la découverte des propriétés de l’eau, des substances minérales qui y sont contenues a joué un rôle dans cette réhabilitation. Dès lors que l’eau, élément naturel, pouvait être prescrite en fonction de sa qualité et de ses quantités de minéraux, alors la médecine prescriptive s’est approprié aussi cette thérapie. Ainsi, chaque station thermale peut présenter son bilan « ferrugineux », sa liste de minéraux et les maladies pour lesquelles elle se présente comme thérapie.

Il aura donc fallut une justification scientifique, pour que les pratiques thermales soient validées et entrent à l’université : ainsi Maurice Villaret (1877-1946), à l’origine de la science hydrologique obtint la première chaire d’hydrologie en 1911 à la Faculté de Médecine de Paris.

La relativité des critères scientifiques ?

Le magnétisme animal suscite à son origine un véritable enthousiasme de la part des intellectuels et des scientifiques. À l’heure des Lumières, où l’on découvre le paratonnerre et la gravitation, pourquoi s’étonner des possibilités que nous offre la nature ? Il est vrai que le mesmérisme était largement désavoué par la communauté médicale et les Facultés de médecine. Mais même lorsque celles-ci se forment en commissions pour évaluer les effets du magnétisme animal les avis sont partagés, non pas sur la possibilité de considérer le mesmérisme autrement que comme une pseudoscience, mais parce qu’il fallait convenir que ce traitement mettait en avant les effets de la volonté, de l’imagination et de l’autosuggestion.

Jules Guiart
L'école médicale lyonnaise : catalogue commenté de la section régionale du Musée historique de la Faculté mixte de Médecine et de Pharmacie de Lyon
Paris : Masson, 1941.
Lyon 1, BU Santé

Finalement, le magnétisme sera repris par les médecins sous une forme plus scientifique : l’hypnose. Celle-ci gardera toujours un relent de charlatanisme du fait de son cousinage avec le mesmérisme. Le baquet, ci-dessus, permettait à Mesmer de traiter plusieurs patients en même temps, jusqu’à 30. La séance de baquet provoquait chez certains patients des crises et des transes.

Une autre science a beaucoup souffert de la comparaison avec le magnétisme : l’électricité médicale. On y retrouve au départ la même idée de fluide circulant dans les nerfs et permettant la mise ne mouvement des muscles. L’électricité médicale s’est développée au XVIIIème siècle grâce à des savants comme Galvani. Comme pour le mesmérisme, les Facultés de médecine ont formé des commissions pour en vérifier les résultats. En effet, comme le dit le texte ci-dessous, l’électricité médicale a été fortement et violemment critiquée.

Jean-Baptiste Philibert François Maurice
De l'électricité médicale
Patris, 1810.
Lyon 1, BU Santé

Il est vrai qu’une certaine image de l’électricité médicale la rapprochait du charlatanisme. L’illustration ci-dessous mettant en scène des guérisons par un des appareils à électricité médicale ; est typique de l’image de surnaturel et de pseudoscience qui entourait cette thérapie. L’appareil auréolé de lumière céleste ne pouvait qu’être une provocation pour les médecins rationalistes des Lumières.

Sans
Guérison de la paralysie par l'électricité : ou cette expérience physique employée avec succès dans le traitement de cette maladie regardée jusqu'alors comme incurable
Paris : Cailleau, 1772.
Lyon 1, BU Santé

Pourtant là encore, des scientifiques vont récupérer la pseudoscience pour la transformer en science acceptée et acceptable. On notera premièrement que les commissions de vérifications des résultats comptaient dans leurs membres des fondateurs éminents de la science expérimentale, comme Claude Bernard. Les médecines alternatives rejetées sont ainsi parfois l’occasion d’avancées philosophiques importantes de la science. Deuxièmement, des médecins vont fonder à partir de cette électricité médicale les bases de la radiothérapie, faisant passer la question de l’électricité non plus comme base de la santé ou de la maladie mais comme technique de soins. L’image ci-dessous montre différents appareils pouvant véhiculer sans danger cette électricité médicale pour traiter différentes affections.

M. I. Guitard
Histoire de l'électricité médicale comprenant l'étude des instruments et appareils, le résumé des auteurs, un choix d'observations
Paris : Masson, 1854.
Lyon 1, BU Santé

Le débat au delà du critère scientifique

Nous avons relevé dans les vitrines précédentes trois cas ayant permis à une nouvelle médecine ou thérapie d'être acceptée par la science universitaire. Nous verrons dans cette vitrine comment l'homéopathie semble ne pouvoir complètement satisfaire aucun des critères scientifiques qui historiquement ont permis l'introduction de thérapies alternatives à l'université.

Le premier cas est celui où une médecine à la fois bénéficie de son statut d'étrangère pour être jugée sur des critères différents, tout en étant facilement acceptée par le lien qui peut être tendu entre cette médecine et la médecine occidentale : c'est le cas de la médecine chinoise. La médecine homéopathique bien que se présentant en même temps comme une nouvelle médecine (face à la médecine allopathique) et comme une médecine hippocratique, en faisant sien le principe de similitude des textes hippocratique, ne relève pas de ce cas. Est-ce le fait qu'il s'agisse non pas d'une médecine étrangère, mais d'une médecine occidentale et qui plus est relativement jeune, puisque son fondateur Samuel Hahnemann en a posé les principes entre la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècle ?


Samuel Hahnemann

Exposition de la doctrine médicale homéopathique ou organon de l'art de guérir
J. B. Baillière, 1856.
Lyon 1, BU Santé

Le second cas est celui des thérapies naturelles qui n'ont eu que le soutien des patients pendant de longues années, jusqu'à leur justification scientifique rendue possible par le développement de la science expérimentale. Le résultat sur le patient, nous l'avions vu, ne fait pas office de preuve, puisque le placebo peut aussi bien être source de résultats positifs. On s'attendrait donc que l'homéopathie bénéficie aussi d'une scientificité reconnue avec le développement de plus en plus pointu de l'expérimentation. Or aucune des études scientifiques menées ne suffit à la légitimer ; l'homéopathie manque cruellement de preuves. Les expérimentations possibles à l'heure actuelle ne sont-elles pas encore suffisamment précises, la science n'a-telle pas encore assez progressé, pour justifier et offrir une légitimation à l'homéopathie ?


Bernhard Hirschel, Léon Simon
Guide du médecin homéopathe au lit du malade : pour le traitement de plus de mille maladies et répertoire de thérapeutique homéopathique
Baillière, 1874.
Lyon 1, BU Santé

Le troisième cas était celui du magnétisme qui bénéficiait de l'enthousiasme de scientifiques, qui s'en appropriant lui donnèrent sa valeur scientifique. Étonnamment, l'homéopathie semble avoir toujours été mise au ban de la société médicale et pharmaceutique. Les pharmaciens du XIXème rejetaient ces médecines peu onéreuses contraignant les homéopathes à fabriquer eux-mêmes leurs produit,s ce qui ne pouvait que les rapprocher de l’image du charlatan. À la différence du magnétisme sur lequel un grand nombre de scientifiques déjà reconnus pour d'autres travaux ont participé, l'homéopathie semble plutôt être défendue par des médecins passionnés, qui se consacraient exclusivement à cette médecine. Ainsi ici Sébastien Des Guidi qui a importé l'homéopathie en France. Celui-ci, après avoir découvert cette médecine suite à la maladie de sa femme, passa les 30 dernières années de sa vie à promouvoir et défendre cette médecine contre les oppositions virulentes des écoles de médecine. Il fut le maître notamment de Gallavardin Père. La méfiance envers l'homéopathie tient-elle à l'enthousiasme quelle provoque chez les praticiens plutôt que chez les scientifiques charismatiques ?


L'école médicale lyonnaise : catalogue commenté de la Section régionale du Musée historique de la Faculté mixte de médecine et de pharmacie de Lyon
Masson, 1941.
Lyon 1, BU Santé